Kenneth White est né le 28 avril 1936 à Glasgow. D’origine sociale modeste – son père est cheminot, son grand-père paternel est joueur de cornemuse – il passe son enfance à Fairlie, un petit village côtier de l’Ayrshire, au sud-ouest de l’Écosse. Élève brillant, lecteur précoce de philosophie et de littérature, adolescent, il fait la rencontre de Dugald Semple (1884-1964), un intellectuel libertaire qui lui donne accès à sa bibliothèque dans laquelle White découvre les Upanishad et autres textes des sagesses orientales. Il poursuit des études universitaires de langues, de lettres et de philosophie à Glasgow et à Munich, entre 1954 et 1957. Il rencontre alors Marie-Claude Charlut, enseignante en langue anglaise – qui devient son épouse en 1959 – et qui sera sa principale traductrice. Il reprend des études universitaires à Glasgow et devient lecteur, à la Sorbonne (1962-1963) puis à l’université de Glasgow (1963-1967), en littérature et langue française. En 1967, il démissionne de son poste à l’université de Glasgow et s’installe en France, à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Lecteur d’anglais à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, il participe activement aux événements de mai 1968, ce qui lui vaut d’être démis de ses fonctions. À partir de 1973, Kenneth White est maître de conférences associé à l’université Paris 7 où il fonde un séminaire de recherche sur les liens entre l’Orient et l’Occident qui sera familièrement connu sous le nom de « Séminaire de la montagne froide » ou « Le séminaire du vieil étang », en référence aux poètes Han Shan et Bashô. Il partage son temps entre Paris et Pau.
Au printemps 1972, Kenneth White entre en correspondance avec un éditeur américain dénommé Bill Butler, directeur d’une maison d’édition, Unicorn, installée au Pays de Galles. Butler a fréquenté plusieurs membres de la Beat Generation, dont Allen Ginsberg, Michael McClure et Gary Snyder, et il propose à Kenneth White d’écrire sur eux. Deux essais de White sont publiés chez Unicorn en 1975 : un premier consacré à Gary Snyder, The Tribal Dharma et un second à Robinson Jeffers, The Coast Opposite Humanity. Suite à la publication de The Tribal Dharma, Kenneth White entre en relation avec Snyder et les deux poètes entretiennent une correspondance pendant quelque temps. White a le projet de poursuivre ses publications sur d’autres auteurs états-uniens chez Unicorn, mais Bill Butler est contraint d’arrêter son activité pour des problèmes personnels, en juillet 1976. Cette même année, Kenneth White traduit Spoon River Anthology de Edgar Lee Masters, avec Michel Pétris, pour les éditions Champ libre.
En 1978, il poursuit ses projets de publication sur les écrivains états-uniens avec les éditions Robert Laffont, en participant au Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays pour lequel il rédige une quinzaine de notices sur Leonie Adams, Conrad Aiken, Louise Bogan, E.E. Cummings, Robert Lee Frost, Robinson Jeffers, Archibald MacLeish, Edgar Lee Masters, Marianne Moore, Ogden Nash, Ezra Pound, John Crowe Ransom, Carl Sandburg, Wallace Stevens et Allen Tate. En 1979, il soutient une thèse sur « Le nomadisme intellectuel » devant un jury composé, entre autres, de Michel Gresset et Gilles Deleuze. Le tome 2, intitulé « Poetry and the tribe », porte sur plusieurs auteurs états-uniens : Robinson Jeffers et Gary Snyder – il s’agit d’une reprise de ses deux essais parus chez Unicorn –, complété par des études sur William Carlos Williams et Allen Ginsberg. Un chapitre de L’Esprit nomade, le livre issu de sa thèse publié chez Grasset en 1987, est en outre consacré à Henry David Thoreau.
À l’occasion de ses différents postes universitaires, Kenneth White a fondé et animé plusieurs groupes et petites revues : Jargon Paper,à Glasgow (1964-1965), Feuillage,à Pau (1968-1970), The Feathered Egg, à l’université Paris 7 (1972-1973). La revue Jargon Paper, issue des activités du Jargon Group créé et dirigé par White, avait pour objectif de faire connaître, entre autres, l’œuvre de Walt Whitman. La revue Feuillage, dont le titre est inspiré de Whitman, propose cette citation en ouverture : « Always our old feuillage, always the free range and diversity » (toujours notre vieux feuillage, toujours la liberté et la diversité). Le numéro 3 (mai 1968), intitulé « Spécial USA », regroupe des articles et poèmes de Kenneth White et des membres de la revue en rapport avec les États-Unis.
En 1983, il déménage en Bretagne avec son épouse et installe son atelier et sa bibliothèque dans une maison traditionnelle bretonne à Trébeurden, dans les Côtes-d’Armor. De 1983 à 1996, il occupe la chaire de Poétique du XXe siècle à l’université Paris 4 (Sorbonne) et anime un séminaire sur des thèmes variés, dont « Aux limites de la littérature », « Poétique du monde », « Poétique atlantique ». À la même période il donne des cours au British Institute et au British Council à Paris. En 1989, il fonde l’Institut international de géopoétique dont le siège social se trouve chez lui en Bretagne, et qui aura de nombreuses antennes dans les pays francophones du monde entier. Dans les années 1990, au moment où il enseigne à l’université Paris 7, Kenneth White rédige des notices pour l’Encyclopédie Universalis sur Allen Ginsberg, Gary Snyder et la Beat Generation. Dans les cours et séminaires donnés à Paris 4 de 1983 à 1996, Kenneth White évoque les écrivains de la Beat Generation et encadre des travaux d’étudiants sur ce sujet. Publié en 2015, son livre Le Gang du Kosmos, Poétique et politique en terre américaine (Wildproject) regroupe ses essais sur Walt Whitman, Allen Ginsberg, William Carlos Williams, Gary Snyder et Robinson Jeffers, traduits pour la première fois en français par Matthieu Dumont.
Kenneth White est l’auteur d’une œuvre conséquente et variée, constituée d’une centaine de livres mêlant poésie, récits (en particulier des récits de voyages et cheminements), essais et livres d’entretiens. Il a par ailleurs contribué à la réalisation de très nombreux livres d’artistes, plasticiens et sculpteurs, et ouvrages illustrés. Il a reçu plusieurs prix, dont le prix Médicis étranger en 1983, le Grand Prix du rayonnement français de l’Académie française en 1985, le prix de la ville de Bordeaux pour l’ensemble de son œuvre en 2002 et le prix Édouard-Glissant décerné par l’université Paris 8 en 2004. Il est décédé le 11 août 2023 à Trébeurden.