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Peter MATTHIESSEN (1927-2014)

Crédits : The New Yorker, https://www.newyorker.com/books/page-turner/postscript-peter-matthiessen-1927-2014

Peter Matthiessen est un écrivain états-unien né à New York le 22 mai 1927. Fils d’un architecte réputé, il grandit sur la 5e Avenue. Après avoir étudié la littérature et la biologie à Yale, il part à Paris et s’inscrit à la Sorbonne en 1951, en profitant de la G.I. Bill dont il pouvait bénéficier en tant que vétéran de guerre, ayant combattu dans les rangs états-uniens durant la Seconde Guerre mondiale (U.S. Navy, 1945-1947). Il travaille alors à ce qui sera son premier roman, Race Rock, et vit avec Patsy Southgate, sa première épouse.

À Paris, il fait la connaissance, au Café du Dôme, de Harold Humes, qui lui propose de s‘associer pour créer un little magazine. Matthiessen, qui fait alors secrètement partie des premières recrues de la jeune CIA, accepte en partie pour constituer une couverture à ses activités pour l’agence de renseignements :

My cover, officially, was my first novel, but my contact man (who met me in the Jeu de Paume, of all places) had said, “Anything else you can do while you’re here?” I could now say, “Well, yes, I’m an editor on a magazine.” (in Aldrich 94)

Matthiessen quittera la CIA dès 1953, au moment où, avec Humes, George Plimpton, John Train, Thomas Guinzburg et quelques autres, il fonde The Paris Review.  Matthiessen joue alors un rôle essentiel dans la création de cette revue, notamment en contactant Plimpton, un ami d’enfance, à qui il propose le poste de rédacteur en chef : l’engagement de Plimpton sera décisif. C’est lui qui se met en quête des fonds nécessaires au lancement de la revue et qui, notamment grâce aux rencontres qu’il avait faites lorsqu’il participait à la rédaction du Harvard Lampoon pendant ses études (1947), étoffe rapidement l’équipe initiale.

De son côté, Matthiessen convainc son ami Thomas H. Guinzburg de rejoindre l’entreprise naissante : fils du fondateur de la maison d’édition Viking, Guinzburg a également collaboré au Yale Daily News et apporte donc à l’équipe, comme Plimpton, une certaine expérience dans le domaine de l’édition universitaire. C’est également Matthiessen qui entraîne dans l’aventure de la Paris Review un ami, le dessinateur William Pène du Bois, qui en devient le conseiller artistique : il donne au premier numéro une beauté plastique qui a grandement participé à son succès.

Matthiessen est quant à lui en charge de la fiction : fort de sa passion littéraire, il participe au choix des textes publiés, et publie d’ailleurs lui-même dans la revue. Le premier numéro contient ainsi un de ses textes, traduit en français, ainsi qu’un texte de son épouse, Patsy Southgate. Cette dernière a été un personnage clé des premières années de la revue, apportant son aide tant du côté de la traduction que sur le plan plus trivial de l’accueil des différents intellectuels et artistes gravitant autour de la revue. Les réunions régulières (qualifiées par certains de « Paris Review Salon ») avaient lieu au domicile Matthiessen-Southgate, et ont été parfois comparées à celles qui se tenaient dans le célèbre salon de Gertrude Stein.

Pour l’un des premiers numéros, Matthiessen a réalisé, avec George Plimpton, l’interview de William Styron, jeune auteur à l’époque dont les deux rédacteurs étaient proches. Cependant, s’il a été un membre fondateur de la revue et a indiscutablement participé à définir sa ligne éditoriale, Matthiessen s’est assez rapidement retiré de la direction pour se consacrer à son œuvre de romancier : son premier roman, Race Rock, paraît en 1954, et en 1955, il rentre aux États-Unis. Matthiessen a ainsi été un passeur éphémère de la littérature états-unienne en France : après avoir eu l’intuition de The Paris Review, et avoir soutenu énergiquement sa conception et son lancement, il vogue vers d’autres horizons et laisse le champ libre à son bon ami Plimpton, dont la passion et l’engagement assureront la longévité du magazine.

De retour aux États-Unis, Matthiessen travaille trois ans à Long Island comme pêcheur. Il publie son second roman, Partisans (1955). Entre 1956 et 1963, il effectue de nombreux voyages et expéditions (Alaska, Asie, Australie, Océanie, Afrique, Nouvelle Guinée) qui lui inspireront trois ouvrages de non-fiction : Wildlife in America (1959), The Cloud Forest: A Chronicle of the South American Wilderness (1961) et Under the Mountain Wall (1962). Il publie également un roman, Raditzer (1961).

Son quatrième roman, At Play in the Fields of the Lord (1965), lui apporte une importante reconnaissance critique. Le livre sera adapté à l’écran en 1991 par Hector Babenco. On considère que son livre Blue Meridian (1971), consacré à la recherche océanographique, a constitué une source première pour le roman de Peter Benchley Les Dents de la mer, qui inspira le film du même titre. En 1973, Matthiessen est élu au National Institute of Arts and Letters (aujourd’hui American Academy of Arts and Letters). L’année suivante, il publie Far Tortuga, un roman inventif et expérimental mettant en scène un groupe de pêcheurs de tortues aux Caraïbes.

En 1973, après la mort précoce de sa seconde épouse, Deborah Love, Matthiessen rejoint un ami zoologiste au Népal qui lui inspirera son livre le plus célèbre, The Snow Leopard (1978), qui reçoit en 1979 le National Book Award dans la catégorie nonfiction.

Dans les années 80, Matthiessen continue de publier des ouvrages de nonfiction et de fiction : In Sand Rivers (1981), qui décrit un trek en Afrique ; In the Spirit of Crazy Horse (1983) et Indian Country (1984), tous deux consacrés à l’histoire des Indiens d’Amérique. Le premier, qui examine la guerre menée par le FBI contre le American Indian Movement, lui vaudra un procès, qu’il finira par gagner. Nine-Headed Dragon River, Zen Journals 1969-1982 (1986) explore sa pratique du bouddhisme Zen. Matthiessen est ordonné moine bouddhiste en 1991. Men’s Lives: The Surfmen and Baymen of the South Fork (1986) déplore les conditions de l’industrie de la pêche à Long Island. Over the River Styx (1989) est son premier recueil de nouvelles. Puis, dans Killing Mister Watson (1990), il poursuit ses recherches expérimentales et raconte, à travers les voix de dix narrateurs distincts, l’histoire étrange d’une exécution dans les Everglades en 1910. Il continue parallèlement de publier des ouvrages de nonfiction inspirés par ses voyages : African Silences (1991), Baikal : Sacred Sea of Siberia (1992), Shadows of Africa (1992), East of Lo Monthang: In the Land of Mustand (1995). 

            Entre 1995 et 1997, il est nommé Auteur résident (State Author) de l’État de New York. En 2010, il reçoit le National Book Award dans la catégorie fiction pour son roman Shadow Country, une réécriture de la trilogie comprenant Killing Mr. Watson, Lost Man’s River (1997) et Bone by Bone (1999). Il est le seul écrivain à avoir reçu ce prix dans deux catégories. En 2014, il publie ce qui sera son dernier livre, At Paradise, une réflexion sur l’Holocauste. Peter Matthiessen est mort d’une leucémie, le 5 avril 2014 à Sagaponack, où il dirigeait un groupe zen.

Notice et bibliographie établies par Julia KerninonEcrivaine, docteure en études anglophones.
Pour citer cette notice : Notice Peter MATTHIESSEN (1927-2014) par Julia Kerninon, Dictionnaire des Passeurs de la Littérature des États-Unis, mise en ligne le 28 août 2024 - dernière modification le 29 août 2024, url : https://dicopalitus.huma-num.fr/notice/peter-matthiessen-1927-2014/ 

Bibliographie

« The Paris Review Sketch Book ». The Paris Review, 25th Anniversary Issue, n°79, printemps 1981, p. 308-420.

ALDRICH, Nelson W. Jr., éd. George, Being George: George Plimpton’s Life as Told, Admired, Deplored, and Envied by 200 Friends, Relatives, Lovers, Acquaintances, Rivals – and A Few Unappreciative Observers. 2008. New York : Random House, 2009.

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